Non-lieu en vue pour Agathe Habyarimana en France
La justice française semble vouloir tourner la page dans l’affaire Agathe Habyarimana. Selon une ordonnance rendue vendredi par la juge d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, l’enquête est désormais close.
Près de 30 ans après le génocide des tutsis au Rwanda, les juges estiment ne pas disposer d’éléments suffisants pour poursuivre celle qui fut longtemps présentée comme une figure influente du pouvoir hutu. Agathe Habyarimana, 82 ans, était placée depuis 2016 sous le statut de témoin assisté.
Les magistrats en charge du dossier, estiment qu’il "n’existe pas à ce stade d’indices graves et concordants" démontrant sa complicité dans le génocide des tutsis de 1994. Les témoignages à charge sont jugés "contradictoires, incohérents, voire mensongers".
Déception de la partie civile
Cette conclusion, qui rejette aussi de nouvelles demandes du Parquet antiterroriste (Pnat), pourrait ouvrir la voie à un non-lieu définitif dans les prochains mois.
L’avocat de la veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, maître Philippe Meilhac, a salué une décision qui, selon lui, "anéantit la démarche de l’accusation" et a appelé à ce que le non-lieu soit prononcé rapidement.
L’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie au président rwandais Juvenal Habyarimana et a déclenché les massacres© AP
Pour Patrick Baudouin, avocat de la FIDH, la Fédération internationale des droits de l’Homme, partie civile dans ce procès, cette décision est une occasion manquée. Pour l’ONG, « Les éléments à charge étaient largement suffisants ».
"On redoutait cette décision parce que la justice française a attendu longtemps pour se prononcer. Pour nous, les témoignages étaient suffisants, mais les juges d’instruction n’ont pas voulu l’entendre", a souligné Alain Gautier, président du collectif des parties civiles pour le Rwanda.
Agathe Habyarimana "apparaît comme victime"
Le Parquet antiterroriste, de son côté, avait saisi la Cour d’appel de Paris, à l’automne dernier, pour obtenir sa mise en examen, arguant de son rôle présumé dans l’"akazu", le cercle proche du pouvoir soupçonné d’avoir orchestré les massacres.
Mais pour les juges, Agathe Habyarimana "apparaît non comme auteure du génocide, mais comme victime" de l’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie à son mari et a déclenché les massacres.
Elles notent l’absence de preuves tangibles : pas de discours de haine, pas de lien avec les médias extrémistes, ou encore pas d’implication dans l’établissement des listes de tutsis à éliminer.
Installée en France sans statut légal depuis 1998, Agathe Habyarimana reste une figure controversée.
Le génocide au Rwanda, entre avril et juillet 1994, a fait quelque 800.000 morts, selon l’Onu. L’ombre du rôle de la France, mais aussi celles de certaines figures de l’ancien pouvoir rwandais, comme Agathe Habyarimana, continuent d’alimenter les débats, trente ans après le génocide.
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